Dans l’article précédent, L’extraordinaire connexion des enfants avec la nature, je vous expliquais en quoi la (re)connexion de l’enfant avec la nature était essentielle pour son bien-être physique et émotionnel.
Je vais aborder dans cet article le résultat d’un manque de nature sur le long terme : le “Nature-Deficit Disorder (NDD)” ou “Syndrome du Manque de Nature”, terme créé par Richard Louv, journaliste américain et auteur.
Le NDD n’a rien d’un diagnostic médical officiel (pas encore ?), il s’agit pour Richard Louv de mettre en lumière un phénomène sociétal auquel nous, parents, enseignants, éducateurs, devons mettre fin au plus vite. Au risque de créer une génération de dépressifs, d’anxieux à la fois consciente de la fragilité de la planète mais complétement déconnectée d’ elle.
Pour la rédaction de cette série d’articles, je me suis reposée sur lelivre Une enfance en liberté. Protégeons nos enfants du syndrome de manque de nature de Richard Louv, traduction française du livre Last Child in the Woods.
Sommaire de l'article Grandir Zen
Qu'est-ce que le Syndrome du Manque de Nature ?
Le Nature Deficit Disorder est un terme inventé par Richard Louv et n’est pas (encore) un diagnostic médical.
C’est la théorie selon laquelle les personnes en manque de contact régulier avec la nature développent des troubles du comportement, un mal-être intérieur qui les éloigne du bonheur.
Troubles de l’attention, obésité, états dépressifs, stress, sont des conséquences possibles de ce manque d’exposition directe à la nature. Et cette liste n’est pas exhaustive !
Mon enfant souffre-t-il du Syndrome du Manque de Nature ?
Voilà quelques pistes de réflexion pour vous permettre de savoir si votre enfant ou vous-même êtes en manque de nature :
- Les moments passés à l’extérieur se font rares, en hiver comme en été ;
- Vous ou votre enfant ne ressentez pas de connexion avec la nature. Elle ne vous manque pas si vous n’ avez pas de contact avec elle pendant des jours ou des semaines ;
- Vous ressentez un mal-être sans parvenir à mettre le doigt sur la cause. Vous avez pourtant tout pour être heureux/se : un toit sur la tête, de la nourriture, de l’amour, une bonne situation. Mais il vous manque quelque chose…
- Vous ou votre enfant êtes accro aux écrans, passer des heures sur les réseaux ou sur la console vous paraît plus intéressant que tout le reste. Les autres activités vous semblent sans intérêt.
Peut-être souffrez-vous du manque de nature !
Alors, quelles solutions pour se reconnecter à la nature ?
Tout d’abord, déculpabilisons ! S’il s’agit d’un problème de société, c’est que la responsabilité est collective et non seulement individuelle.
C’est en comprenant la raison de la nécessité d’une reconnexion avec la nature que nous trouverons la motivation nécessaire pour passer à l’action.
La science derrière le besoin de nature
La nature comme thérapie de nombreux maux
Dans son ouvrage Enfance en liberté, l’auteur nous explique le concept de la biophilie de Wilson : la nature a un impact sur la santé physique et émotionnelle de l’être humain. Elle a un effet protecteur et même thérapeutique.
Elle sert de refuge contre la vitesse du monde, le trop-plein, quand tout va trop vite, trop fort, la nature, elle, vit à son propre rythme.
Elle permet donc de lutter contre les conséquences du Syndrome du Manque de Nature.
L’harmonie des 5 sens
Au contraire d’un écran lisse et sans relief qui offre une vie sensorielle appauvrie, la nature est calme, sans le brouhaha des villes et des lumières, pleine de couleurs, de textures et de bruits doux.
Comme Newton a découvert la gravité avec une pomme tombée d’un arbre, nos enfants peuvent faire de multiples découvertes en développant leurs sens, leur capacité d’observation et leur esprit scientifique.
Pour éviter le Syndrome du Manque de Nature chez les enfants et ses conséquences terribles (addiction aux écrans, vie sensorielle appauvrie, mal-être, dépression, mauvais développement des fonctions exécutives, etc.), laissons-les explorer la nature avec leurs sens et grimper, explorer, toucher, se salir…
Google sait tout, et nous ?
L’ère de l’information est ici considérée comme un mythe, nous pensons tout savoir mais que savons-nous vraiment de notre Terre ?
Savons-nous reconnaître les arbres qui nous entourent, leurs fruits, la forme de chaque feuille ?
Savez-nous vivre en harmonie avec les éléments, se repérer dans une ville ou sur une carte ?
Le Syndrome du Manque de Nature se manifeste notamment par un manque de connaissance sur ce qui nous entoure. Au mieux, nous avons en tête des informations (théorie) mais sans l’expérimentation directe, il ne peut s’agir de vraies connaissances.
La nature, lieu de sociabilité
Une étude suédoise a montré que des adultes et enfants vivant dans des endroits qui offrent un accès à l’extérieur (en ville ou à la campagne) ont deux fois plus d’amis que ceux dont l’accès à l’extérieur est restreint.
Les espaces verts favorisent donc l’interaction sociale et renforce les communautés.
C’est ce que nous avons pu constater avec nos enfants !
“Rendez-vous à 17h à notre arbre” a chuchoté Julie, 10 ans et demi, à ses copines.
Un lieu un peu mystérieux, loin des adultes, un point de ralliement, c’est le bonheur non ?
La nature, lieu de solitude revigorante
La nature offre ce choix : passer du temps avec ses pairs et/ou seul.e avec soi-même, son imagination, son besoin de calme pour pouvoir se recentrer.
Privés de ce temps de recueil, les enfants risquent de se sentir mal à cette perspective et de devenir des adultes phobiques de la solitude, qui ont sans cesse besoin de bouger, s’activer, de FAIRE au lieu d’ÊTRE.
Une des nombreuses conséquences du Syndrome du Manque de Nature chez l’enfant.
La nature, lieu de créativité et source d'inspiration pour l’imagination
L’acédie, terme religieux qui désignait le manque de soin consacré à sa vie spirituelle, se manifestait par “l’ennui”, le dégoût de la prière et le découragement.
L’acédie était un péché, un état de l’âme considéré comme une maladie spirituelle. Il fallait au contraire, pour ne pas y céder, pratiquer la prière, la lecture spirituelle et consacrer du temps à sa vie spirituelle.
L’oisiveté en revanche était socialement acceptée car source de créativité constructive.
Nous avons changé notre façon de voir les choses, un retour en arrière est-il possible ? Je le crois !
Sans l’ennui, sans ce temps passé dans sa tête ou à observer les nuages, Einstein n’aurait peut-être pas pu manifester son génie.
Suggestion de lecture : APPRENDRE COMME EINSTEIN: Secrets et techniques pour apprendre quoi que ce soit, développer la créativité et découvrir le Génie en vous
La nature nourrit la créativité de l’enfant.
Il est essentiel de laisser l’enfant passer du temps dans la nature, sans consigne, sans directive. Le temps de jeu libre est une vraie nourriture pour l’enfant !
« L’attention contagieuse » de l’adulte à l’enfant
L’enthousiasme contagieux de l’adulte peut réveiller, chez les petits comme les grands, un émerveillement dormant via ce moment de partage.
Même si notre enfant/ado paraît blasé, il suffit parfois d’admirer un arc-en-ciel, de tomber sur deux lièvres qui font la course (c’est du vécu) ou d’un vieil arbre majestueux pour provoquer une réaction.
Pour éviter le syndrome du nature de l’enfant, occupons-nous donc déjà du syndrome du manque de nature de l’adulte.
Ressusciter le temps du rêve
Ce qui peut nous toucher au plus profond de notre être en tant que parent ou adute accompagnateur, c’est le manque de place accordé au rêve dans nos sociétés actuelles.
Les écrans sont des voleurs de temps !
Tout n’est pas à jeter bien sûr et certaines études démontrent même l’impact positif de certains jeux vidéo sur la concentration des enfants.
Mais bien trop souvent, les enfants prennent l’habitude d’être multitâches, de disperser leur attention en faisant une, deux, trois choses en même temps.
Nourrir l’émerveillement par le jeu libre, l’observation des merveilles que nous offre la nature, voilà un temps essentiel qu’il devient aujourd’hui urgent de ressusciter pour lutter contre le Syndrome du Manque de Nature.
La nature, lieu de tous les dangers ?
Les statistiques sont très claires sur ce point : la réponse est non !
La maison, source de multiples dangers domestiques, peut être bien moins sécuritaire. Même s’il serait malhonnête de dire qu’il n’y a aucun risque à explorer la forêt ou à grimper dans les arbres, l’auteur du livre nous invite à transmettre à nos enfants la prudence intelligente et le risque contrôlé plutôt que nos angoisses d’adulte.
Jouer dans la nature développe la confiance instinctive et non artificielle. L’observation, l’analyse, le respect du vivant sont des invitations à la prudence qui permettent de grandir de façon saine.
L’hypermédiatisation des dangers que courent nos enfants avec tous ces chiffres alarmants est très néfaste. Pourtant, les chiffres réels de la criminalité envers les enfants sont rassurants et les ravisseurs d’enfants ne sont, la plupart du temps, pas des inconnus.
Quid de nos peurs de parents ?
Disons oui aux expériences et laissons-nous le temps…
Il est possible de travailler sur nos peurs d’adulte et d’avancer un pas après l’autre. L’enfant sort de sa zone de confort, l’adulte également, il lui montre l‘exemple et grandit en même temps que lui.
Le premier travail à faire revient donc aux parents, nous devons guérir de nos peurs, nous reconnecter nous-mêmes à la nature et à notre enfance.
Dernier point : en passant du temps dehors, nos enfants fuient la pollution de nos intérieurs et bougent leur corps. Un bel investissement pour leur santé !
Nos enfants, citoyens de la planète
Si les enfants vont mal, la planète va mal et inversement…
Futurs électeurs et citoyens de la planète, nos enfants n’ont jamais été si conscients de la fragilité de notre Terre et en même temps aussi déconnectée d’elle.
Pour renouer le contact et assurer l’avenir de la planète, lâchons prise !
Bien entendu dans un premier temps, il sera sans doute nécessaire d’inciter nos enfants à passer du temps dans la nature et ainsi, à s’éloigner des écrans.
Mais l’expérience doit être la plus désorganisée possible !
Même si vous pouvez proposer des activités pour leur « mettre le pied à l’étrier », structurer un peu au démarrage, le jeu libre reste la panacée. Des plages de temps libre, sans directive…
Nous sommes des visiteurs de la terre, nous avons la responsabilité d’en prendre soin, de faire de notre mieux pour ne pas lui nuire et de conserver le lien qui nous relie à elle. Via la religion, la vie spirituelle ou peu importe le nom que l’on donne à ce lien qui nous unit.
Nous parents, pouvant apporter à nos enfants une éducation à l’environnement en augmentant progressivement leur exposition à la nature.
En mettant des mots sur ce fléau qui nous touche, le Syndrome du Manque de Nature, nous avançons dans la bonne direction.
Cette conscientisation nous permet d’être plus optimistes aujourd’hui quant à l’avenir de la planète et de l’humanité.
Syndrome du manque de nature : le cas des enfants TDA/H
Richard Loov aborde à de nombreuses reprises le cas des enfants dits TDA/H, souffrant d’un dysfonctionnement de leur attention et de leur système de récompense.
Je ne me positionnerai pas dans cet article sur les différentes thérapies proposées, médicales ou non, d’autant plus qu’en France, nous sommes en décalage avec bien d’autres pays en ce qui concerne la prise en charge de ce trouble.
Le TDA/H peut être un vrai handicap, il peut faire souffrir et doit être pris en charge au même titre que le diabète par exemple.
Je trouve que bien trop d’adultes, même professionnels, ont une vision très rétrécie de ce trouble.
Rappelons qu’il n’est pas la conséquence d’une mauvaise éducation même si évidemment l’environnement a une influence sur la vie de l’enfant comme de TOUS les enfants.
La (re)connexion avec la nature doit donc faire partie de la prise en charge de ces enfants !
Les enfants présentant un profil TDA/H ou même un diagnostic ont bien souvent une prise en charge plutôt conséquente (médicamenteuse, psychologique, thérapie cognitive, compléments alimentaires adaptations scolaires, etc.), mais non complète. Le contact avec la nature devrait toujours faire partie du traitement, selon Richard Louv.
Au même titre qu’un bilan du sommeil va être réalisé par exemple, pourquoi ne faisons-nous pas systématiquement le bilan de son lien avec la nature ?
Biologiquement, nous sommes encore des chasseurs-cueilleurs, les enfants au profil TDAH en sont d’incroyables exemples : ils sont vifs, réactifs, ils ont besoin de bouger, d’explorer, de grimper. Le contact avec la nature est pour eux si ce n’est une alternative à un traitement médicamenteux, au pire une thérapie complémentaire ou une mesure de prévention.
L’hypervigilance si épuisante des personnes TDA/H et même des personnes à haut potentiel (zèbres, philo-cognitifs) devient, dans la nature, une vraie force que l’on nommera plutôt l’hyperconscience.
J’aimerais ici que vous puissiez juste piocher des pistes pour vous aider à vivre mieux et à mieux accompagner votre enfant, si vous êtes concernés.
Effets de la nature sur les enfants TDA/H
Voilà quelques effets positifs que l’on peut remarquer lorsqu’un enfant TDA/H se reconnecte avec la nature :
- Augmentation de la capacité d’attention ;
- Diminution de l’impulsivité, du risque d’échec scolaire, du stress et des manifestations de la colère ;
- Stimulation du Système Nerveux Central similaire à l’effet du Méthylphénidate* (augmentation de la Dopamine) ;
- L’énergie constructive n’est plus dirigée vers un écran mais vers du jeu libre, ce qui permet à l’enfant de se construire et d’apprendre via l’enthousiasme ;
- La nature comme calmant : effet apaisante et ressourçant avec un soulagement ressenti comme réparateur ;
- Bénéfices cognitifs : pensée critique, résolution de problème (une force chez les enfants TDA/H ! ), l’éducation à a nature stimule l’apprentissage et la créativité ;
- Développement des fonctions exécutives de l’enfant (inhibition, planification, flexibilité cognitive, mémoire de travail, etc.)
On parle alors de vertus thérapeutiques complémentaires au reste de la prise en charge !
* Nom de la molécule donnée aux personnes souffrant de THA/H et permettant de stimuler le système nerveux central.
Quelques activités nature et pistes pour les enfants TDA/H
En complément de l’article 40 activités pour connecter l’enfant à la nature, à retrouver sur le blog :
- Création de jardins thérapeutiques. Pour la rédaction de cet article, j’ai effectué quelques recherches sur les jardins thérapeutiques en France et j’ai trouvé très peu d’informations à ce sujet. Je vous partage cet article sur la jardinologie et la façon dont le jardin peut aider voire avoir un rôle thérapeutique dans certaines situations (NB : Je ne remets pas ici en cause la prescription de Méthylphénidate pour certains enfants) ;
- Des écoles dans la nature, le rêve !
- Des potagers à l’école, à la maison, dans des jardins collaboratifs ;
- Accueillir des plantes chez soi ou à l’école, les nommer, les arroser, créer des fiches personnalisées sur les plantes, confier à l’enfant la mission d’en prendre soin ;
- Inviter la nature dans les lieux de travail et lieux de vie permet une augmentation de la concentration et du calme. Idée : travailler avec vue sur la nature ;
- Si la nature ne peut pas s’inviter à l’école, amenons les enfants dans la nature : balades, randonnées, chasses au trésor, explorations sur les traces des animaux, découverte des arbres ;
- La nature comme alternative à la punition. Tout comme certaines expérimentations menées dans les écoles avec la méditation comme alternative à la punition ont abouti à des conclusions très positives, certains juges à l’esprit ouverts ont tenté une immersion dans la nature avec de jeunes adolescents délinquants et ont obtenu des résultats bénéfiques sur leur comportement et les troubles dont ils souffraient tels que l’impulsivité, l’inattention, etc. Ressource : Un collège remplace les heures de colle par des corvées de jardinage pour que les punitions aient du sens